Et d’abord, de quel Dieu veux-tu parler ? Précise.
Quel est celui qui tient ta pensée indécise ?
Dis, est-ce du Dieu peint en jaune, en rouge, en bleu ,
Habitant un triangle où flambe un mot hébreu ?
Face dorée au fond d’une nuée épaisse ?
Portant couronne, étole, et glaive, et sceptre ; espèce
D’empereur, habillé d’un habit de soleil ?
Ayant au poing le globe et Satan sous l’orteil…?
Est-ce du Dieu qui veut la chanson pour prière ?
Qu’on invoque en trinquant, Dieu bon vivant qui rit ;
Comprend, sait que la chair est faible, a de l’esprit :
Dieu point fâcheux qui vit en bonne intelligence
Avec les passions de votre pauvre engeance,
Excusant le péché, l’expliquant au besoin….
Est-ce du Dieu qu’on voit à Versailles monter
Aux carrosses du roi, bien né, suivant les modes,
Rendant aux Montespan les Bossuet commodes
Dieu de cour, Dieu de ville, avec soin expurgé
De toute humeur brutale et de tout préjugé…?
Dis, est-ce le dieu guèbre, est-ce le dieu mormon
Qu’il te faut ? Ou le Dieu qui fit rouer Labarre ?
Vois. Choisis. Ou le Dieu qui donne au turc barbare
Des femmes plein la tombe et plein le firmament ?
L’homme abject a besoin,
Étant méchant, d’un juge,et, hideux, d’un témoin !
Il veut un Dieu. C’est bien. L’homme prend de la brique ;
Chaque peuple a le sien ; et la religion
A l’unité pour Masque et pour nom Légion.
La terre crée un monstre et se met sous sa garde
Et c’est avec stupeur que le grand ciel regarde
Croître sur vos fumiers ce misérable Dieu
Qui que tu sois, prends garde aux formules écrites.
Sache que les autels, les cultes et les rites
Les Korans, les Talmuds, ont besoin pour durer
Que nul principe faux ne les vienne altérer
La superstition qui leur tend sa mamelle
Les infecte et les tue ; et quand l’homme se mêle
A ces religions que vous avez en bas
Elles pourrissent vite et ne se gardent pas.
Nulle image venant de l’homme et de la terre
Ne s’applique a l’abîme et ne peint son mystère…
Retiens ceci : multiple, étrange, impénétrable,
L’univers sombre est hors de l’homme misérable…
Chaque globe a son jour dont il a le secret
Son soleil dont il vit, dont un autre mourrait.
Selon la quantité d’ombre qui les mélange,
Ils penchent vers la brute ou se dressent vers l’ange ;
Ils sont enfers ou ciels, saturnes ou soleils.
C’est par le seul regard de Dieu qu’ils sont pareils.
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