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A de certains moments, l’homme juste est risible.
Tous les archers moqueurs prennent l’honneur pour cible ;
Les choses et les mots changent de sens ; on est
Barbès, Garibaldi, Baudin, lisez : benêt ;
Caton est le Sosie auguste de Jocrisse ;
Prudence et dignité se nomment avarice ;
Tout est défiguré, calomnié, noirci ;
Un front de vierge n’est qu’un masque réussi.
Quoi ! vous vous dites pur, vous me croyez donc bête.
Quel est votre motif secret pour être honnête ?
Le bien suspect confine au mal ; pas de vertu
Qui ne vienne d’un vice immonde qu’on ait eu ;
Oh ! s’il vivait, celui qu’on mena chez Pilate
Sanglant, coiffé d’épine et vêtu d’écarlate,
Comme on reprocherait, en glosant là-dessus,
La Madeleine au Christ et saint-Jean à Jésus !
Comme on l’appellerait sacrilège, profane,
Fourbe ! comme on rirait de ce dieu sur un âne !
Car on a tant d’esprit qu’on est inepte ; on dit :
Monk est un paladin, Bayard est un bandit.
Un contresens hideux fausse les âmes viles.
O grandeurs des vieux temps. Laissez-nous donc tranquilles !
La déroute, l’orgie, et la peur sont nos soeurs ;
Ceux qu’on nomme héros, nous les nommons poseurs ;
Les invincibles sont suivis des incurables.
…/…
Victor Hugo
Poésie politique et satirique
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